Assurer une fertilisation efficace et économe avec les digestats
Le projet MétaMétha ainsi qu’une thèse réalisés à l’Inrae de Nouzilly montrent l’intérêt agronomique des digestats pour la fertilisation des cultures et le maintien du taux de matière organique dans le sol. Les intrants du méthaniseur extérieurs à l’exploitation constituent en outre une source d’azote et de carbone économique.
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Afin de mesurer l’impact de l’insertion de la méthanisation sur les bilans carbone et azote d’une exploitation de polyculture-élevage, l’Inrae de Nouzilly (Indre-et-Loire) a mené de 2017 à 2019 le projet MétaMétha. Cette station Inrae héberge depuis dix ans une unité de méthanisation en cogénération d’une puissance de 250 kW électriques. Elle est approvisionnée par les effluents des élevages présents sur place, à savoir 60 vaches laitières, 60 truies, 1 500 moutons et 150 poneys. Le gisement est constitué de 600 m3 de lisier de bovins et 350 m3 de lisier de porcs, ainsi que 460 tonnes de fumier de bovins, 248 t de fumier ovin et 143 t de fumier équin. S’y ajoutent 550 m3 de boues de stations d’épuration et, de manière exceptionnelle, de l’ensilage d’herbe (qualité insuffisante, coupe de nettoyage, etc.). L’unité est équipée d’une presse à vis pour la séparation de phases du digestat brut : azote minéral et potasse sont concentrés dans le digestat liquide, tandis que matière organique et phosphore se retrouvent dans la phase solide. La lagune de 3 000 m3 pour le stockage du digestat liquide n’est pas couverte, ce qui génère des pertes d’azote par volatilisation. L’intégralité du digestat est épandue sur les 400 ha du domaine (dont deux tiers de cultures et un tiers de prairies).
Attention au risque accru de volatilisation d’ammoniac
Dans le projet MétaMétha, un dispositif expérimental de grandes parcelles a permis de comparer trois stratégies de gestion des effluents (apport de lisier et fumier ; apport de digestat brut ; apport de digestat solide et liquide après séparation de phases), entre elles et avec l’apport d’une solution azotée minérale et une modalité témoin (zéro azote). La fertilisation des cultures (blé/colza/blé, de 2017 à 2019) avec du digestat se montre intéressante agronomiquement. En raison de la minéralisation de l’azote organique au cours de la méthanisation et des apports supplémentaires liés aux intrants autres que les effluents d’élevage intégrés dans le digesteur, il y a davantage d’azote disponible dans les digestats bruts et liquides que dans les lisiers. Les rendements obtenus sont donc supérieurs, et similaires à ceux atteints avec une fertilisation minérale (celle-ci étant toutefois apportée à la même date que le digestat pour des raisons expérimentales, fin d’hiver-printemps). En revanche, cette plus grande disponibilité entraîne un risque accru de volatilisation d’ammoniac par rapport aux lisiers, à la fois au niveau de la lagune non couverte et de l’épandage. Le pH plus élevé des digestats renforce aussi ce risque.
Les précautions à prendre pour limiter les pertes sont : la couverture de la lagune, le fractionnement des apports de digestat, les conditions d’épandage, notamment l’enfouissement avec du matériel adapté. Les résultats de l’essai montrent que la séparation de phases contribue, elle aussi, à diminuer fortement la volatilisation. Concernant le carbone, malgré l’écartement d’une fraction via la méthanisation (CH4, CO2), le digestat résiduel apporte quand même de la matière organique au sol, notamment le digestat solide épandu comme amendement en fin d’été.
Maintien du taux de matière organique à Nouzilly
Le projet MétaMétha montre que le taux de matière organique s’est maintenu à Nouzilly, voire a augmenté, entre 2017 et 2022, dans les parcelles avec apport de digestat . Les modalités lisier/fumier et digestat liquide/solide seraient pénalisées par les faibles amendements (fumier et digestat solide) : seulement deux apports en six ans.
Outre les résultats obtenus dans le projet MétaMétha à l’échelle parcellaire (à nuancer en raison des contraintes expérimentales), des simulations par modélisation ont été réalisées pour estimer l’effet sur les bilans carbone et azote de l’introduction de la méthanisation à l’échelle d’une exploitation de polyculture-élevage bovin lait de 300 ha. Trois scénarios ont été testés : lisier et fumier bovin sans méthaniseur ; déchets à majorité agricole (62 %) avec méthaniseur ; déchets à majorité urbains et industriels (70 %) avec méthaniseur. Les simulations sur vingt ans montrent les effets positifs de l’importation de déchets extérieurs sur le stockage de carbone dans les sols, ainsi qu’une réduction des achats d’azote de synthèse d’ environ 10 à 30 % (voir le tableau ci-dessus).
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